Courrier aux députés
« En 2014, les associations de protection de l’enfance ont demandé au gouvernement actuel de nommer la Maltraitance sur enfants Grande Cause nationale.
Porté notamment par le député PS André Vallini, et malgré les 13840 signataires de la pétition visant à promouvoir cette cause sur www.petition24.net, ce projet n’a malheureusement pas été sélectionné par le Premier ministre à l’époque.
Pourtant, si les cas de maltraitance d’enfant défraient la chronique quand ils sont médiatisés, on ne peut pas les ramener à de simples faits divers. Avec deux enfants par jour qui décèdent sous les coups de leurs parents dans notre pays, c’est bien d’un fléau qu’il s’agit, et d’un véritable problème de santé publique.
Il y a certainement des réformes à apporter à notre système de protection de l’enfance. Mais il y a une démarche qui pourrait et devrait être mise en place dès aujourd’hui ; une démarche qui contribuerait à diminuer considérablement ce malheureux chiffre : légiférer afin d’interdire définitivement toute violence physique et psychologique contre les enfants. L’histoire des pays ayant déjà légiféré montre, de fait, que c’est la seule mesure efficace pour lutter contre la maltraitance.
Alice Miller (docteur en philosophie, psychologie et sociologie, chercheur sur l’enfance décédée en 2010) disait : « La violence éducative est le terreau fertile de la maltraitance ».
Combien de parents bourreaux se réfugient derrière une punition qui a mal tourné, une volonté d’endurcir leurs enfants, pour cacher leurs crimes innommables ? Nombreuses sont les études qui démontrent de façon indiscutable le lien entre violence éducative (gifles, fessées, humiliations verbales, …) et la maltraitance caractérisée.
Le Conseil de l’Europe a mis en place un programme intitulé « Construire une Europe pour et avec les enfants » avec deux piliers :
- Promouvoir les Droits des Enfants
- Éradiquer la violence vis-à-vis des enfants
Aujourd’hui, 22 pays européens (33 dans le monde) se sont engagés dans cette lutte contre la violence envers les enfants en se dotant de lois interdisant toute violence à leur encontre.
En Suède, pays pionnier de cette loi (1979), les chiffres de décès d’enfants dus à la maltraitance sont quasi nuls.
Force est donc de constater que le pays des Droits de l’Homme n’est pas le pays des Droits de l’Enfant. Mauvais élève dans ce domaine, nous sommes montrés du doigt par l’Europe.
Le Comité des Nations Unies des Droits de l’Enfant a demandé à la France d’interdire les châtiments corporels en 2004 et à nouveau en 2009.
Au mois de janvier 2013, une plainte (plainte n° 92/2013 publiée par le Conseil de l’Europe) a été déposée contre la France auprès du Comité européen des droits sociaux. La France y était accusée par l’association britannique de protection des enfants APPROACH1 de ne pas avoir interdit toute forme de punition corporelle infligée aux enfants comme elle aurait dû le faire en tant que signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant.
La députée UMP Edwige Antier proposait en 2010 une loi (Proposition de loi n°2971) visant à abolir toutes formes de violences physiques et psychologiques infligées aux enfants. Cette loi n’a pas vu le jour.
En 2014, dans le cadre du projet de Loi de la Famille, les Verts présentaient comme amendement à l’autorité parentale : « les titulaires de l’autorité parentale ne peuvent user de châtiments corporels ou de violences physiques à l’égard de l’enfant ». Le gouvernement a cependant estimé que cet amendement n’avait pas sa place dans ce débat, assurant au député M. Lambert, qui a présenté l’amendement (réduit au qualificatif « anti-fessée »), de « reprendre la discussion lors d’une prochaine proposition de loi ».
Bien sûr, dès que l’on touche à la famille, on assiste à une levée de boucliers pour des motifs qui sont, pour la grande majorité, de l’ignorance et de la peur. La loi, à elle seule, ne peut pas changer les mentalités ni les comportements. Mais elle enverrait un message clair et surtout, elle donnerait enfin, dans notre pays, un vrai statut à l’enfant. Qui peut encore se satisfaire d’une société dans laquelle deux enfants meurent par jour de maltraitance ? Qui peut soutenir que frapper un enfant sert à son éducation quand il est admis qu’il est inacceptable de gifler un adulte ? Quand on connaît les méfaits des violences éducatives habituelles, peut-on accepter que ces enfants cabossés deviennent les adultes responsables de demain ? Il n’est pas digne qu’un pays comme la France ne se préoccupe pas de ces sujets !
Le Conseil de l’Europe demande à la France d’avoir le courage politique de légiférer. Nous aussi.
Une loi, accompagnée du développement de politiques de soutien à la parentalité positive, ainsi que des campagnes de sensibilisation aux droits de l’enfant tireraient assurément notre pays vers le haut, même si aujourd’hui, c’est contraire à l’opinion publique. « Quand il s’agit des Droits de l’Homme, il me semble que c’est la responsabilité des politiques de guider et pas seulement de suivre l’opinion publique », disait Maud de Boer-Buquicchuio, ex-secrétaire adjointe du Conseil de l’Europe.
Rappelons aussi qu’en Suède, où la loi a été adoptée il y a trente ans, 70% des habitants étaient initialement contre pour 92% favorables aujourd’hui.
Donner un statut à l’enfant, respecter son intégrité physique et psychologique dans tous les domaines (écoles, cercle familial), agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant et en soutien des familles contribuerait à :
- Diminuer la délinquance (les violences subies dans l’enfance contribuent et engendrent le cercle de la violence, du non-respect)
- Diminuer le taux de suicides ou de tentatives de suicides chez les jeunes (les violences engendrent une perte de l’estime de soi, des tendances dépressives et suicidaires)
De plus, outre le désastre humain, la protection de l’enfance coute 6 milliards d’euros (E. Antier). Une politique éducative familiale contribuerait à réduire considérablement ce chiffre.
Aujourd’hui, aidez-nous à soutenir l’abolition des violences physiques et psychologiques sur les enfants, en dotant la France d’une vraie loi les protégeant à l’école et dans leur cercle familial.
Pour les enfants, pour l’avenir de notre société, nous comptons sur vous ! »