Lettre ouverte à Laurence Rossignol
Madame la Secrétaire d’État,
À l’occasion du 26e anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, nous vous interpellons de nouveau sur la nécessité d’adopter une loi interdisant toutes les violences envers les enfants, qu’elles soient physiques, verbales ou psychologiques, et ce quelles qu’en soient les circonstances.
Cette loi, qui serait insérée dans le code civil, par sa valeur éducative et dissuasive, constituerait un marqueur fort, signifiant qu’il est désormais interdit de frapper les enfants dans notre pays.
Vous persistez cependant à nier la nécessité d’une telle loi.
Et ce, malgré le coût faramineux des violences sur enfants pour notre société, malgré l’avis de plusieurs institutions françaises et étrangères, qui estiment que notre législation ne protège pas suffisamment les enfants des châtiments corporels et ne respecte pas certaines conventions et chartes internationales auxquelles la France a adhéré.
Pour ne citer que les rapports et décisions rendus en 2015 :
- Dans son rapport au Comité des Droits de l’Enfant du 27 février, le Défenseur des droits recommandait d’inscrire dans la loi la prohibition des châtiments corporels [1] ;
- Dans une décision rendue publique le 4 mars, le Conseil de l’Europe estimait que la France ne respectait pas l’article 17 de la Charte européenne des droits sociaux [2] ;
- Le 15 avril, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe adoptait une résolution selon laquelle la France violait la Charte sociale européenne en n’ayant pas interdit par la loi toute forme de punition corporelle des enfants [3] ;
- Enfin, le rapport de la commission Enfance et adolescence, pour le développement complet de chaque enfant et adolescent, réalisé dans le cadre de France Stratégie et remis au Président de la République le 30 septembre, appelait explicitement au vote d’une loi, insérée dans le code civil, condamnant les châtiments corporels [4].
Madame la Secrétaire d’État, malgré votre position défavorable à une évolution législative, vous vous êtes engagée à promouvoir une éducation non-violente. Une nouvelle fois, nous souhaitons connaître les démarches que vous avez prévu de mettre en place en 2016.
À titre d’exemple, les pistes suivantes pourraient être retenues :
- La formation obligatoire de tous les personnels travaillant avec des enfants sur les conséquences scientifiquement démontrées, et désormais indéniables, des violences sur les enfants (violences même “minimes” et aujourd’hui encore acceptées car prétendument éducatives : fessées, gifles, humiliations verbales…). Pour mémoire, les conséquences sont, à court terme, développement de l’agressivité, promotion de la violence comme solution acceptable pour résoudre les conflits et, à long terme, dépression, perte de confiance en soi, etc.
- Un encart dans les carnets de santé des enfants, informant très clairement des conséquences des violences éducatives (cf. ci-dessus) et donnant quelques pistes pour une éducation non-violente et respectueuse des droits de l’enfant.
- Des campagnes d’information, pour informer et répéter que la fessée n’est pas un outil éducatif contrairement aux idées reçues. Et que toute violence grave démarre par des “petites” violences.
Il vous appartient, Madame la Secrétaire d’État, de faire respecter le Droit des Enfants pleinement en légiférant et en accompagnant les parents pour qu’ils éduquent leurs enfants sans violence physique, psychologique ou humiliation.
Comme 47 pays l’ont déjà fait depuis 1979 [5] (l’Irlande étant le dernier en date [6]), interdisez les châtiments corporels et faites, enfin, du pays des Droits de l’Homme le pays des Droits de l’Enfant.
Madame la Secrétaire d’État, devenez la porte-parole des enfants, impulsez rapidement un projet de loi courageux et ambitieux contre les châtiments corporels et les violences psychologiques envers les enfants.
[4] Rapport de France Stratégie pour un développement complet de l’enfant et de l’adolescent (p. 56)
[6] Ireland achieves full prohibition of corporal punishment (endcorporalpunishment.org)