Lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle
StopVEO – Enfance sans violences, poursuit l’une de ses principales missions : la loi pour abolir toutes les violences faites aux enfants, violences dites éducatives notamment.
Ainsi, c’est en s’unissant avec d’autres associations, telles que Bien-Traitance, Formation et Recherches, Ensemble pour l’Education, Familylab France – Le laboratoire des familles, Fondation pour l’Enfance, La Maison de l’Enfant, Mémoire traumatique et victimologie, Ni claques ni fessées, Les Parents d’amour, PEPS, OVEO, que StopVEO a envoyé le présent courrier, que nous publions ici sous forme de lettre ouverte, aux divers candidats à l’élection présidentielle (à l’exception de Marine Le Pen).
Vous pouvez bien sûr partager cette information massivement, sur vos blog, page personnelle ou compte sur réseaux sociaux.
Nous vous tiendrons au courant des éventuelles réponses reçues.
Vous trouverez également en lien le dossier complet envoyé également aux candidats avec cette lettre.
Objet : Lettre ouverte sur la nécessité de voter une loi d’interdiction de la violence éducative ordinaire faite aux enfants en France
Madame, Monsieur,
Nous, associations françaises œuvrant pour une éducation sans violence des enfants, nous adressons à vous d’une seule voix, afin de connaître vos intentions concernant le droit des enfants à être protégés de toute forme de violence, notamment celles exercées dans un but « éducatif ».
L’appellation « violences éducatives ordinaires » (VEO) recouvre l’ensemble des pratiques coercitives et/ou punitives tolérées, voire recommandées dans une société pour « bien éduquer » les enfants ou pour arrêter un comportement jugé inapproprié : les violences physiques (frapper, tirer l’oreille, pincer…), verbales (crier, insulter) et psychologiques (menacer, faire du chantage, humilier, retirer l’affection…).
Les conséquences de la VEO sur la santé physique et mentales des enfants, adolescents et adultes sont aujourd’hui connues et mesurées et leur lien avéré avec la maltraitance et la violence sociétale (cf. dossier joint). Près de 85 % des enfants français (12 millions) subissent quotidiennement la violence éducative ordinaire.
52 pays dans le monde, dont 22 sur les 28 que compte l’Union européenne, ont voté une loi d’interdiction des punitions corporelles envers les enfants. Or, en France, il est encore possible pour un parent de frapper, injurier, menacer son enfant sous couvert d’éducation, sans conséquences judiciaires, puisqu’un « droit de correction » jurisprudentiel – archaïque remontant à 1819 et sans fondement légal – est quasi systématiquement invoqué comme moyen de défense lors des procès.
Nous demandons l’interdiction claire, dans la législation, de toute forme de violence éducative envers les enfants, dans tous les contextes, et la mise en place d’actions pédagogiques auprès des familles et des professionnel-le-s.
Voter une telle loi est fondamental pour la France, car ses effets bénéfiques sont nombreux.
Cette loi permettrait d’en finir avec l’idée reçue selon laquelle ces violences auraient des vertus éducatives. Depuis quinze ans, les études en neurosciences affectives et sociales ont prouvé au contraire qu’elles favorisent des comportements antisociaux – agressivité, insolence, délinquance, criminalité –, engendrent une baisse de l’estime de soi et ont des conséquences néfastes à moyen et long terme sur la santé et sur le développement physique et psychologique : risque plus élevé de dépression, de conduites suicidaires, d’addictions, de troubles cardiaques, de l’immunité, de subir des violences tout au long de sa vie, etc.
Cette loi serait un moyen de prévenir la maltraitance car la VEO en constitue le terreau. En effet, 75 % des maltraitances caractérisées ont lieu dans un contexte de punition corporelle. En France, on dénombre 100 000 cas connus d’enfants en danger et 2 décès par jour en moyenne d’enfants victimes de maltraitance ou de négligence (estimation INSERM de 2011).
Cette loi aurait également un impact positif sur la société tout entière. Des études démontrent que la majorité des violences commises résultent de violences subies dans l’enfance ou l’adolescence : la violence éducative apprend à l’enfant à régler les conflits par la violence, qui se perpétue ainsi de générations en générations.
Régler ce véritable problème de santé publique contribuerait à baisser efficacement les dépenses engendrées par les troubles pré-cités.
Quelques chiffres : en Suède, entre 1982 et 1995, les « mesures obligatoires » pour maltraitance ont diminué de 46 % et les « placements en foyer » de 26 %, le pourcentage des jeunes de 15 à 17 ans condamnés pour vol a diminué de 21 % entre 1975 et 1995. La consommation de drogue et d’alcool, les agressions envers les jeunes enfants et les suicides ont aussi baissé. En Finlande, une étude publiée en 2004 a constaté que la baisse des punitions physiques a conduit à une baisse similaire du nombre d’enfants assassinés. En Allemagne, la diminution du châtiment violent des enfants a été reliée à une diminution de la violence des jeunes à l’école et ailleurs, et à la réduction de la proportion de femmes victimes de blessures physiques dues à la violence domestique.
Cette loi contribuerait effectivement à rendre également plus efficaces les campagnes de lutte contre les violences conjugales, car la violence éducative enseigne qu’il est normal de frapper ceux qu’on aime et d’aimer ceux qui nous frappent.
De nombreuses institutions nationales et internationales ont fait campagne pour que la France abolisse les châtiments corporels, conformément aux traités qu’elle a signés : le Défenseur des droits, la fondation France Stratégie, le collectif Agir ensemble pour les droits de l’enfant (AEDE), la Commission consultative des droits de l’Homme, l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU.
Voter au plus tôt une loi qui interdise clairement tout recours aux punitions corporelles et à toute forme de violence éducative doit être un objectif prioritaire pour la France : inscrite dans le Code civil au chapitre de l’autorité parentale et dans les textes de loi régissant tous les lieux de garde d’enfants (dans la famille, à l’école, dans les structures de garde d’enfants et dans le cadre de la protection de remplacement), elle serait un repère pour les parents et professionnels et poserait une limite sans ambiguïté.
Afin d’être efficace, la loi devra prévoir la mise en place de campagnes permanentes de sensibilisation, des mesures d’accompagnement pour les parents ainsi que la formation des professionnels de l’enfance, de la santé, de l’éducation, des travailleurs sociaux, de la justice et de la police concernant les VEO, en continuité avec la prévention et la sensibilisation à la VEO incluses dans le 1er plan interministériel 2017-2019 de mobilisation et de lutte contre la violence faite aux enfants.
En février 2017, la Lituanie a voté cette loi à l’unanimité, tout comme le Brésil en 2014. La Mongolie, la Slovénie l’ont également votée en 2016. Nous espérons que vous porterez également ce projet pour la France, « pays des droits de l’homme », en visant une large majorité, car cette loi est transpartisane et nous concerne tous. Nous ne pouvons nous résoudre à ce que la France soit la dernière à y mettre fin dans l’union européenne.
Nos associations se sont unies pour vous proposer de faire avancer ce sujet en France en mettant à votre disposition leurs connaissances, leurs expertises, leur expérience du travail mené pour le vote de la loi en 2016, ainsi que leurs liens avec le Conseil de l’Europe, l’ONU et Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children, l’organisation qui œuvre dans le monde pour l’abolition des châtiments corporels.
Madame, Monsieur, en tant que candidat-e à la présidence de la République, nous souhaitons savoir si vous vous engagez à légiférer, une fois élu-e, contre les violences éducatives ordinaires et espérons pouvoir vous rencontrer pour évoquer les possibles actions communes.
En vous remerciant de l’attention portée à ce courrier, et dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de notre considération la plus respectueuse.